Le problème de la lèpre

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Le problème de la lèpre

Le problème de la lèpre

L’expression « problème de la lèpre » fait référence aux violations des droits fondamentaux et aux discriminations extrêmes subies au Japon par les malades et les anciens malades de la lèpre, ainsi que par leurs familles, du fait des mauvaises politiques de lutte contre la lèpre entreprises par les gouvernements successifs à partir de l’époque moderne.

Les débuts de la politique d’isolement

À l’époque moderne, la lutte contre la lèpre au Japon repose principalement sur l’isolement des malades. En 1907, la Loi n° 11 de l’an 40 de l’ère Meiji (communément appelée « Loi relative à la prévention de la lèpre ») est adoptée : en l’absence de traitement, elle prévoit l’isolement en léproserie de tous les malades sans domicile (ou « lépreux vagabonds »). Cette loi est motivée par le fait qu’à cette époque un grand nombre de lépreux vivent de la mendicité dans la rue, ce qui est considéré comme une « honte nationale ».


Quelques années plus tard, en 1931, la Loi relative à la prévention de la lèpre est amendée : dorénavant, tous les lépreux peuvent être isolés de force, même s’ils s’y opposent. C’est ainsi que débute l’isolement forcé des lépreux au Japon.

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Signature de la Loi relative à la prévention de la lèpre (1907)

Les dommages du Mouvement préfectoral anti-lèpre

Dans le cadre de la politique d’isolement forcé, le « Mouvement préfectoral anti-lèpre » est chargé de procéder à la mise en quarantaine des malades. Il s’agit d’un effort conjoint public-privé qui vise à parvenir à un environnement « sans lèpre » en identifiant les malades dans chaque préfecture et en les isolant. La dénonciation est encouragée pour faciliter l’identification des lépreux et ceux-ci peuvent être emportés de force par les autorités.


De par ses opérations, le Mouvement préfectoral anti-lèpre insiste particulièrement sur le fait que la lèpre est une maladie « grave et contagieuse ». En exagérant ainsi les dangers de la lèpre, il instille la peur parmi la population et, par conséquent, fait naître des préjugés à l’égard de la maladie. Les maisons où habitaient les malades sont désinfectés jusqu’à en devenir blanches, ce qui exacerbe la peur des habitants vis-à-vis de la lèpre, mais permet également d’indiquer clairement qu’un malade se trouvait ici. De ce fait, les familles où vivaient les malades se retrouvent victimes de discrimination et d’exclusion, pouvant mener jusqu’à la dissolution du foyer ou au divorce, à la perte de travail ou au suicide d’un ou plusieurs de ses membres.

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Hospitalisation forcée au Honmyō-ji (Kumamoto) (1940)

Les difficiles conditions de vie dans les léproseries

Au sein des léproseries, les soins médicaux et la nourriture sont insuffisants et les patients, traités comme des prisonniers, sont forcés de travailler ou enfermés dans des cellules d’isolement. De plus, la stérilisation et l’avortement est souvent imposés aux résidents pour empêcher la naissance d’enfants. Le rôle de ces léproseries n’est alors pas de guérir les malades et de les aider à réintégrer la société : les malades, traités comme des prisonniers, ne peuvent qu’y attendre la mort.

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Patients construisant une route au sein de l’hôpital Zensei (aujourd’hui, sanatorium Tama Zenshō-en)

L’apparition de la Promine et la poursuite de la politique d’isolement

Peu après la fin de la Seconde guerre mondiale, un médicament développé aux États-Unis, appelé Promine, commence à être utilisé au Japon et la lèpre devient une maladie curable. Par conséquent, les résidents demandent au gouvernement l’abolition de l’isolement forcé des malades en léproserie. Malgré leurs efforts, une nouvelle loi, nommée « Loi sur la prévention de la lèpre », est adoptée en 1953 et l’isolement forcé se poursuit.


En dehors du Japon, le développement de la Promine et l’apparition ultérieure de la chimiothérapie accélère l’abolition de la politique d’isolement. Pourtant, au Japon, l’isolement forcé se poursuit jusqu’à l’abolition de la Loi sur la prévention de la lèpre en 1996. Ainsi, alors même la lèpre est devenue curable, les malades continuent d’être isolés de force pendant près d’un demi-siècle. Pendant toute cette période, nombre de malades décèdent dans les léproseries sans avoir pu retourner dans leur famille et leur village natal, la Loi sur la prévention de la lèpre ne prévoyant pas de réinsertion sociale.

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Promine

La procédure d’indemnisation contre l’État

En 1998, d’anciens malades de la lèpre déposent une action en justice contre l’État afin de faire déclarer comme anticonstitutionnelle la Loi sur la prévention de la lèpre. Le 11 mai 2001, le tribunal de district de Kumamoto rend une décision donnant raison aux plaignants. L’État renonce à faire appel et la décision est entérinée. Une caractéristique majeure du problème de la lèpre est que la « violation des droits par l’État » a été reconnu judiciairement.


En 2008, la Loi visant à l’accélération de la résolution du problème de la lèpre est promulguée. Communément appelée « Loi fondamentale sur le problème de la lèpre », elle entre en vigueur l’année suivante. Dans son préambule, la loi souligne l’importance de « permettre aux anciens malades de la lèpre de mener une vie heureuse et paisible sans être isolés de la société » et de « créer une société exempte de préjugés et de discriminations » et prévoit de résoudre le problème de la lèpre grâce à des « mesures visant à améliorer la qualité de vie des anciens malades, à rétablir leur honneur, etc. ».

L’action en justice des familles de malades

Tout comme les malades et les anciens malades de la lèpre, les familles de ces derniers ont également gravement souffert de la politique désastreuse du Japon pour lutter contre la lèpre et des préjugés et discrimination de la société. Des personnes ayant eu pour parents des malades de la lèpre et ayant partagé de telles difficultés intentent une action en justice en 2016. Le 28 juin 2019, le tribunal de district de Kumamoto rend une décision selon laquelle l’État est reconnu responsable de la discrimination subie par les familles. L’État ne faisant pas appel, la décision est entérinée.

Un problème qui perdure encore

L’action en justice entreprise par les familles des malades permet de montrer clairement que le problème de la lèpre n’est pas encore résolu au Japon. En effet, la plupart des plaignants n’ont pas divulgué leurs noms et une grande partie des familles continuent à cacher l’existence des malades par crainte des discriminations. Les « ossuaires » en sont un exemple frappant. Ces lieux regroupent les restes « non réclamés » des patients décédés dans les sanatoriums. En effet, par peur de l’ostracisation, les familles refusent de récupérer le corps de leurs parents. Même après leur mort, ceux-ci doivent ainsi reposer dans l’ossuaire, et non aux côtés des membres de leur famille. Aujourd’hui encore, les blessures laissées par la politique d’isolement forcé ne sont donc pas encore refermées.

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Ossuaire du Tama Zenshō-en

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